« COLLECTIONS D’ARTISTES »
DU 5 DECEMBRE 2015 AU 22 JANVIER 2016
…boîtes de sardines, casquettes de cyclistes, poupées folkloriques à tête de lapin, stylos publicitaires, boules à neige, lunettes de soleil, embochoirs, portes-clefs, étiquettes de fromages…
Il existe probablement autant d’alibis que de collectionneurs…
Les collectionneurs ne sont pas tous des artistes de même que tous les artistes ne sont pas des collectionneurs, si ce n’est peut-être de leurs propres productions.
Certains artistes, de part leur capacité à porter sur le monde un regard particulier, s’intéressent à des objets singuliers, à des objets invisibles, à des choses qui font sourire, à des éléments aux formes évocatrices ou poétiques.
La sensibilité particulière que ces collectionneurs cultivent à l’égard du monde matériel, les poussent à collecter, à réunir, à préserver, à restaurer, à conserver donc, des formes, des images, des choses qui échappent au regard des autres qui les voient simplement, sans les regarder, sans les investir.
Les non collectionneurs ne saisissent pas toujours ce qui motive le collectionneur. Ils ne saisissent pas toujours la dimension poétique et humoristique que peut revêtir une étiquette de boîte de fromage ! Bref, ils ne sont pas forcément en phase avec le décalage intellectuel nécessaire à l’appréciation de telles subtilités….
Une perception décalée de la réalité nous permet de l’appréhender sous un angle différent, avec indulgence, avec tendresse, avec détachement, elle nous pousse à l’auto dérision et à la sagesse.
Le décalage nous détache d’une certaine réalité, il nous permet ponctuellement d’échapper à ses pesanteurs, à ses exigences incompressibles et l’enrichit d’une dimension bizarrement métaphysique.
La singularité des objets réunis et présentés raconte une histoire au spectateur, une fable particulière qui stimule son imaginaire et se faufile dans l’intimité de son cortex.
Ces objets qui habituellement constellent notre vie quotidienne sont connus et reconnus de tous, qu’ils agissent de portes-clefs publicitaires, de poupées en costume folklorique ou de paires de lunettes de soleil.
La découverte de leur juxtaposition et du processus quasi créatif qui a poussé son propriétaire à la générer, suscite des réactions, un questionnement.
La série et l’accumulation racontent une histoire, celle des objets, de leur collecte…et celle de la quête en tant qu’objet !
Cette quête implique un rapport au temps, le temps de la vie du collectionneur.
Ainsi ces objets jalonnent-ils l’existence d’une personne, ils la matérialisent, ils incarnent le temps qui passe.
La quête est un corps à corps, une lutte contre la fuite inexorable du matériel et de l’immatériel, un combat contre la disparition des choses, contre la mort.
L’objet est transfiguré par la série.
Un stylo publicitaire n’est pas perçu de la même manière s’il est seul ou si nous sommes en présence de 1000 stylos !
La perception que nous en aurons sera également différente si les 1000 stylos sont différents, s’ils sont en vrac sur le sol ou s’ils sont rangés méthodiquement dans des vitrines.
La présentation influence donc notre perception de la collection.
Les stylos publicitaires parfaitement rangés dans les petits cadres vitrine de Lucien, forment des surfaces bidimensionnelles constituées de lignes verticales et horizontales, ces surfaces sont constellées de tâches de couleurs et de lignes colorées…ce ne sont plus des stylos, ce sont des œuvres géométriques abstraites !
Les objets collectionnés peuvent avoir subi une transformation qui en modifie l’apparence.
Cette transformation peut s’apparenter à une démarche artistique.Les poupées en costume folklorique de Cécile Demoulin sont pourvues d’un crâne d’animal réel en lieu et place de leur tête d’origine.
L’objet alors se fait œuvre, il est investi d’une intention, l’artiste matérialise sa volonté d’en modifier le sens.
Il ne s’agit plus alors seulement de donner à voir une série d’objets pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle est devenue.La rencontre orchestrée par Cécile Demoulin entre l’esthétique consensuelle, voir surannée et kitsch des poupées et des ossements d’animaux, bouscule l’ordre établi, elle vise à choquer sinon à interpeller encore une fois le spectateur.
Les sables contenus dans les flacons d’Hélène Brieude stimulent également notre imagination et les étiquettes qui en précisent la provenance sont autant d’invitations à l’errance.
L’errance autour de la France avec les casquettes et les bidons de cyclistes collectés au fil des étapes par Dominique Grain….
Collectionneur, spécialiste d’un genre particulier…pour le fond…pour la forme…pour la fonction…pour la matière….